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De kasbahs en ksour berbères

   Depuis toujours, au Maroc, les berbères du sud pratiquent l’art de construire, selon des techniques ancestrales, un type d’habitat original et millénaire : les ksour et les kasbahs.
   
Mais, laissées à l’abandon, ces majestueuses forteresses de terre rouge ou ocre, sont menacées par les intempéries et tombent en ruine, au risque de disparaître à jamais du paysage marocain et du patrimoine mondial.


Un ksar dans le sud marocain


L’habitat à l’architecture de terre
L’architecture berbère n’a jamais été influencée par la conquête arabe et le développement de l’art hispano-mauresque. Les kasbahs du sud sont la plus belle expression de cet art rural dont les spécificités sont d’ailleurs fort proches de l’habitat traditionnel yéménite.
Ces superbes bâtisses en terre jouèrent un rôle fondamental durant des siècles. Elles étaient les demeures fortifiées des seigneurs. Isolées et situées sur une position dominante, elles exprimaient l’autorité des caïds (représentants du sultan) ou des Pacha (gouverneurs d’une ville impériale). Les kasbahs contrôlaient les oasis et leurs voies d’accès, servaient de points de ravitaillement pour les habitants du désert et défendaient les caravanes contre les brigands et les pillards nomades. Actuellement, elles abritent plutôt des notables ou des cultivateurs, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement à l’abandon.

La construction des kasbahs obéit à plusieurs règles architecturales. Sur des fondations de pierre, d’épaisses murailles, flanquées de quatre tours d’angle ornées de merlon en épis, délimitent la construction. Les murs sont en pisé, mélange de terre et de paille selon un procédé ancien qui isole de la chaleur et du froid. Le centre de l’habitation est un patio, véritable puits de lumière pour l’ensemble. L’ornementation extérieure des tours et du haut des murs est en adobe, briques de terre crue argileuse, qui permet d’exécuter des motifs en creux et en relief qui ajourent les parties hautes. Mais toutes les kasbahs ne sont pas celles d’un Pacha et les demeures rurales sont plus simples et regroupées au sein d’un même village. Protégées de remparts avec une seule porte d’entrée, elles forment alors un ksar (pluriel : ksour). Ces villages, construits en pisé, prennent la couleur de leur terre d’origine, qui, passant du ocre au rouge, les rend tous différents. A l’origine, cet habitat rural en terre fut édifié par des familles de nomades qui, ayant décidé de se sédentariser, recherchèrent une construction plus solide que leur tente de laine pour faire face aux intempéries et aux ennemis. C’est pourquoi les ksour, petites forteresses, sont établis le plus souvent sur des pitons rocheux ou en bordure de falaise.
Ouarzazate, ainsi que la vallée du Drâa et la vallée du Dades offrent les plus beaux spécimens de cette remarquable architecture de terre.
 

Photos Dominique & Paul Mariottini

Un ksar sur la route des 1000 kasbah

Fenêtre Berbère dans un mur en pisé

Un ksar (village fortifié)

Les tours d'une kasbah

L'érosion abime les kasbah

Une kasbah dans la palmeraie de Skoura

Une kasbah abandonnée

La kasbah de Taourirt à Ouarzazate

Fragilité naturelle et rancoeurs politiques
Partout, sur ces routes du sud, d’une saisissante beauté, d’imposantes kasbahs en ruine lancent un dernier défi au temps et à l’érosion. Plusieurs causes expliquent cette dégradation.
Climatiques d’abord : comme dans toute région désertique, les pluies rares mais violentes menacent les maisons de terre qui disparaissent parfois suite aux intempéries. Mais les nomades, habitués aux villages temporaires, ne les reconstruisent pas et vont bâtir ailleurs. A cela s’ajoute l’exode rural, qui s’accompagne de l’abandon de ce type d’habitat au profit de maisons individuelles ou d’immeubles en béton en périphérie des villes.
Historiques ensuite : Thami-el-Glaoui, le dernier seigneur de l’Atlas, chef de la tribu des Glaoua (berbères de l’Atlas), prit le parti des français au Maroc en 1912, ce qui lui permet de devenir le pacha de Marrakech et de sa région. Par la suite il étend son autorité sur tout le sud marocain, accumule une immense fortune et fait construire les plus belles kasbahs des vallées du Draa et du Dades. Mais l’émergence du nationalisme poussa le Glaoui à prendre parti contre le sultan (futur roi Mohamed V) qui est déposé et exilé par les Français en 1953. Devant les troubles qui s’ensuivent, ceux-ci le réinstalle sur le trône comme roi légitime. Humilié, le pacha doit implorer son pardon à genoux devant lui. Le roi pardonna mais n’oublia pas. Le Glaoui meurt en 1956 et ses biens sont confisqués.
Laissées à l’abandon, les kasbahs s’écroulent lentement car l’humidité est la pire ennemi du pisé et faute d’entretien, ces châteaux de terre se transforment en tas de boue. Une forte plui
e, un oued en colère et tout est emporté. Parmi les constructions les plus touchées, citons le palais de Telouet et la kasbah de Tinerhir.

Le retour aux sources...
Si le Maroc, dans le passé, a sacrifié ces merveilles, de nos jours, les autorités ont pris conscience de la valeur de ces chefs-d’oeuvre. Le fameux ksour d’Aït Benhaddou, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis la fin des années 70, a bénéficié d’un programme d’aide qui a permis sa restauration partielle dans le respect des procédés anciens de construction.
Depuis les années 1990, des associations culturelles et artistiques se sont crées et revendiquent la reconnaissance de l’identité berbère. Des architectes de Marrakech ont pris le problème au sérieux. Ils ont recensé les ksour en péril, fait admettre qu’ils appartenaient au patrimoine du Maroc et protègent aujourd’hui activement ces villages de terre.
La tendance est au retour vers les demeures traditionnelles et les restaurations de maisons abandonnées se multiplient. Mais pour y parvenir, il a fallu former de nouveau les moualim (maîtres maçons) qui entre temps s’étaient reconvertis dans le béton ! Les techniques de construction peuvent varier, comme l’assemblage de petites briques crues de pisé ou la superposition de gros blocs de glaise ou encore le remplissage d’un coffrage (comme pour le béton). Dans ce dernier cas, le maalem dirige une équipe de quelques ouvriers qui tirent la terre du lieu même de la construction, la mettent en paniers, la hisse sur des échelles et la jette dans les coffrages. Le pisé est tassé avec un pilon en bois par le maalem qui pousse un cri à chaque coup. Le toit terrasse bénéficie de soins particuliers. Reposant sur des poutres de palmier, le plancher du dernier étage est couvert de branchages, puis de terre, damée en pente légère pour l’écoulement des eaux de pluie vers une gargouille. Les parties supérieures de la kasbah sont quant à elles décorées de motifs géométriques d’inspiration berbère (que l’on retrouve sur les bijoux et sur les tapis).

Une kasbah rénovée dans le sud (Erfoud)

Motifs d'inspiration berbère

Ksar d'Amerhidil à Skoura

Photo Dominique Mariottini


Hôtel-kasbah Xaluca à Erfoud

Photo Paul Mariottini

Après les riad à Marrakech les kasbah au bord de l’oued ?
Les particuliers ne sont pas en reste et on commence à trouver dans certains villages du sud des maisons historiques, restaurées dans le souci de respecter l’architecture et les matériaux traditionnels. A Skoura, Amerhidil, un des plus beau ksar du Maroc (XVIIe siècle), est une maison familiale en cours de restauration que le propriétaire fait volontiers visiter.
Toujours à Skoura, Aït Ben Moro, une authentique kasbah du XVIIIe a été réhabilitée avec goût en maison d’hôte dans le respect des traditions.
Enfin, aux rénovateurs, s’ajoutent les créateurs. A quelques mètres des belles dunes de sable d’Erfoud, la magnifique réalisation de la Kasbah Hôtel Xaluca Maadid est unique de par ses caractéristiques de construction traditionnelle en pisé (même matériau et même système de construction que ceux utilisés par les anciens). La décoration fait aussi appel à toutes les ressources de l’artisanat local.
La résurgence de l’identité berbère et l’essor du tourisme international se conjuguent pour inverser le processus d’abandon et de délabrement. Dans ces conditions, on peut espérer que ksour et kasbahs auront encore de beaux jours devant eux. Qui sait d’ailleurs si les « roumi » (les occidentaux), après leur engouement pour les riads hispano-mauresques, ne désireront pas, d’ici quelques temps, posséder leur propre kasbah de style berbère, sur les berges d’un oued des vallées du Drâa ou du Dades, là où fleurissent des milliers de lauriers-roses ?

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Cap sur le grand sud  

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