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Vélasquez, Goya et Picasso
Trois maîtres de la peinture espagnole au génie précoce


 374 ans séparent la naissance de Vélasquez de la mort de Picasso. Pourtant c’est une véritable fascination qu’exerce le maître de la peinture espagnole sur le « moderne » Goya et le « cubiste » Picasso et la réinterprétation de ses œuvres par Goya et Picasso fait écho à la vision pionnière de Vélasquez pour renouveler l’art pictural. Jugez plutôt :
Goya puise chez Vélasquez la maîtrise du clair obscur pour exécuter son « Christ » et restitue la sensualité de la « Vénus au miroir » dans sa « Maja Desnuda »
Manet s’inspire de Goya pour la « fusillade de l’empereur Maximilien » et de Vélasquez pour son « Olympia ».
Enfin Picasso revisite Goya et Vélasquez (Les Ménines) ainsi que Manet (Le déjeuner sur l’herbe). 

Diego Vélasquez
Né à Séville en 1599 et décédé à Madrid en 1660, Diego Vélasquez, dés 12 ans, manifeste le désir d'être peintre et rapidement fait preuve d'indépendance et d'initiative par l'observation directe de la nature. Défini comme baroque espagnol, son style est pourtant au-delà des influences et abandonne progressivement les règles de l'académisme pour mieux saisir la réalité. Son génie atteindra son apogée avec les Ménines, chef d'oeuvre de 1656 (musée du Prado à Madrid).
Vélasquez est considéré comme un génie et le grand maître de la peinture espagnole, et des artistes célèbres, comme Goya, Manet, Picasso et Dali, rendront hommage à cet ami de Rubens. 

Francisco Goya
Né à Fuendetodos en 1746 et décédé à Bordeaux en 1828, Francisco Goya commence à s’intéresser à la peinture dés l’âge de quatorze ans. Comme Vélasquez, Goya apprendra très vite à se détacher de l’académisme et des influences étrangères (s’inspirant des mœurs et des costumes populaires le naturel de sa peinture rappelle Velázquez).
Peintre talentueux mais frivole à ses débuts, Goya devient ensuite un témoin engagé des événements de son époque. L’invasion de l'Espagne par Napoléon lui inspire deux chefs d’œuvre (Dos de Mayo et Tres de Mayo, conservés au musée du Prado) dans lesquels Goya dénonce la violence et la répression sanglante, et en gravant « les désastres de la guerre », une série d'estampes, Goya s'engage encore pour dénoncer l'horreur du combat et la barbarie humaine. Plus tard, avec « Guernica » (1937), Picasso dénoncera lui aussi les horreurs de la guerre et la bestialité de l’homme (Goya deviendra, avec Vélasquez, une référence pour Picasso).
Son style évolue tout au long de sa vie, et son dernier tableau (la laitière de Bordeaux), par son atmosphère, ses tons et sa lumière, annonce l’impressionnisme. Pionnier de l'art moderne, Goya est considéré comme l'un des plus grands artistes de son pays.  

Pablo Picasso
Né à Malaga en 1881 et décédé à Mougins en 1973, Pablo Blasco prendra le nom de sa mère, Picasso (Maria), pour se faire connaître. A 10 ans il révèle vite un talent exceptionnel et très tôt il fréquente l’avant-garde artistique. Dés 1907, l’esquisse des « Demoiselles d’Avignon » constitue une nouvelle façon de concevoir et représenter l’espace : le pré cubisme est né. En 1936, Picasso se range du coté des républicains et son sentiment antifranquiste se concrétise en 1937 à l’exposition universelle de Paris avec Guernica. Les horreurs de la guerre et la bestialité de l’homme marqueront son œuvre pendant longtemps 
Picasso (qui ne se voulait pas surréaliste)  disait : « je peins ainsi parce que c’est le résultat de ma pensée » et, songeant aux collections du Prado (dont il fut l’éphémère directeur) : « tous ces artistes m’appartiennent ». Effectivement, Picasso va « reprendre » et « relire » des toiles d’illustres prédécesseurs qu’il admire comme Vélasquez, Goya, Manet. Mais pour réinterpréter ces artistes, Picasso va dialoguer avec leur chefs-d’œuvre, les explorer selon la technique cubique, les déconstruire, les reconstruire et proposer un nouveau traitement de l’espace, propre à son génie.


De Vélasquez  à Goya
Ce n’est pas pour rien que Goya désignait comme ses maîtres Vélasquez et Rembrandt : ces deux peintres baroques maîtrisaient à merveille le clair-obscur. Cette référence est évidente lorsqu’on contemple « Le Christ en Croix » au musée du Prado (cette toile vaudra à Goya sa nomination comme membre de l’Académie de San Fernando).
Vers 1650, Vélasquez avait peint une splendide « Vénus au Miroir » qui appartenait à la collection des ducs d’Albe. Goya rencontre la duchesse d’Albe vers 1795 et gardera avec elle une relation privilégiée, jusqu’à la mort prématurée de celle-ci en 1802. C’est probablement elle qui commanda une Vénus nue à Goya (qui commencera dés 1799 par un modèle vêtu, la « Maja Vestida ». A 150 ans de distance, la Vénus de Vélasquez et la « Maja Desnuda » de Goya restent deux nus fascinants dans l’histoire de l’art pour leur séduction provocatrice et leur carnation  sensuelle. Manet s’en inspirera pour exécuter le nu de son « Olympia ».



"La maja desnuda" de Goya - Cliquez pour agrandir



Ci-dessus et à gauche en  haut : 
le Christ et la Vénus de Velasquez
A gauche en bas, la Maja de Goya

"Christ en croix" de Goya - Cliquez pour agrandir

Le « Christ en Croix »
par Francisco Goya


Goya, grand admirateur de l'art de Vélasquez et déjà marqué par sa peinture, grave « Les Ménines » en 1778, une eau-forte, en hommage à la toile la plus célèbre du maître espagnol (bien plus tard, les Ménines seront réinterprétées par Picasso).
Mais lorsqu’il peint la fameuse toile de Charles IV et sa famille, en 1800, on retrouve la référence à cette même œuvre de Vélasquez. Sur la gauche du tableau de Goya, comme dans les « Ménines » de Vélasquez, on aperçoit une grande toile à laquelle travaille le peintre, le visage noyé dans le fond. Comme Vélasquez, Goya nous fait pénétrer dans l’espace de la toile.


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Vélasquez


Goya


Picasso

De Vélasquez  à Picasso
En 1936 Picasso accepte de diriger le musée du Prado et s’emploie à sauver le patrimoine pictural de l’Espagne en transférant les collections en Suisse. « Tous ces artistes m’appartiennent » aurait alors dit Picasso ! De fait, dés 1957 il affronte « Les Ménines » de Vélasquez et déchiffre, pour la refaire selon les techniques cubiques, la représentation spatiale du maître baroque qui montre à la fois la famille royale, leurs sujets, le spectateur et le peintre lui-même. Picasso, tout en reconstruisant l’espace, traque les intentions de Vélasquez dont il accentue l’orgueil en le représentant dominateur, la tête jusqu’au plafond. Il s’amuse aussi et remplace, par exemple, le molosse originel par son basset préféré.

De Goya à Picasso
La corrida est solidement encrée dans la culture espagnole, ce qui explique en partie, qu’à un siècle de distance, les deux célèbres peintres espagnols s’essayent à des représentations de la tauromachie. Dans son recueil « La Tauromachie », une admirable suite de gravures, Goya a croqué toreros et taureaux s’affrontant dans des scènes violentes. De ces jeux à caractère populaire, l'œil visionnaire du peintre a su traduire la violence. Francisco Goya était déjà une référence pour Picasso (dés 1919 son admiration pour Goya lui inspire les costumes d'un ballet) qui pour retrouver son Espagne lointaine, assiste aux corridas dans le sud de la France. De ces spectacles colorés et festifs, il retiendra la mise en scène rituelle


Goya

Si chez Goya la corrida est un spectacle tragique, pour Picasso elle est une cérémonie sacrée. A cette période, l’œuvre tourmentée de Picasso annonce déjà une tension qui se terminera quelques années plus tard (1937) dans Guernica.


Picasso

Quand on parle d’un artiste qui se veut le témoin de son temps et un citoyen rebelle à la violence et la tyrannie, on ne peut s’empêcher de penser à Goya et à Picasso.
Dans son tableau « 3 mai 1808 », Goya trouve encore la force à 62 ans de réagir avec sa peinture et révèle des détails atroces tout en projetant l’événement dans une dimension universelle : pour lui c’est l’humanité entière qui est frappée par les fusils de soldats sans visage, au même titre que le condamné qui ouvre les bras dans un geste de terreur. Ce thème sera repris en 1897 par Manet dans « la fusillade de l’empereur Maximilien » et en 1951 par Picasso dans « Massacre en Corée ».
Mais le manifeste politique de Picasso c’est « Guernica » : une lutte révolutionnaire par la peinture et une œuvre de dénonciation et de protestation contre la violence, la barbarie et la guerre.
Au bras levé du fusillé de Goya dans « 3 mai », Picasso répond dans « Guernica » par la figure en train de hurler (à droite dans le tableau). Par des formes dramatiques,  des contrastes violents et en absence de couleur (ce qui évoque la mort), Picasso ne rejoint-il pas aussi Goya dans ses « Désastres de la guerre », une série d’eaux-fortes, terribles, en noir et blanc.

3 mai 1808 par Goya - Cliquez pour agrandir      Guernica de Picasso - Cliquez pour agrandir      
         3 mai 1808 par Goya                                                     Guernica par Picasso                                         Massacre en  Corée par Picasso

En avance sur leur temps, ces trois grands maîtres de la peinture espagnole que sont Vélasquez, Goya et Picasso ont eu l’audace et le génie d’abandonner les dogmes en vigueur pour sortir la peinture se son académisme et de franchir les limites imposées par leur époque respective pour nous proposer dans un cycle séculaire leur vision de l’art où l’œuvre est souvent reprise, parfois répétée, mais toujours renouvelée.
Si vous avez la chance, lors d’un séjour à Madrid d’admirer isolément quelques unes de leurs toiles majeures, songez que des liens affectifs et délibérés les unissent dans une certaine globalité. Et si c’était ça, l’Universalité de l’Art ?

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Guernica de Pablo Picasso 

Goya : sa biographie, son oeuvre

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par Dominique et Paul Mariottini


             

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