Le
début de la traite en 1674.
En
1674, influencé par Madame de Maintenon qui a vécu douze ans en
Martinique, Louis XIV crée le monopole de la ferme du tabac qui entraîne
une chute de son prix et incite les colons à se tourner vers la culture
de la canne à sucre, importée du Brésil et beaucoup plus rentable.
L’année d‘avant Louis XIV avait dissout la Compagnie des Indes de
Colbert (la première compagnie coloniale française mais qui
n’importait pas d’esclaves) et fondé la Compagnie du Sénégal pour
fournir des esclaves à l'île de Saint-Domingue. C’est ainsi que la
traite va devenir la clé de voûte du système colonial : la
France qui
pratiquait jusqu’ici le commerce en droiture entre France et Antilles
se met au commerce triangulaire entre France, Afrique et Antilles et une
main d’œuvre servile noire va remplacer les travailleurs européens
engagés. Il ne restait plus qu’à réglementer l’esclavage, ce qui
sera fait avec le Code noir.
En
mars 1685, Louis XIV promulgue le Code noir, préparé par Colbert.
Cet édit est basé sur le principe que l'esclave, dépourvu d'existence
juridique, est la propriété du maître. Par l’article 44 de ce code,
l’esclave noir est déclaré « meuble », c'est-à-dire
assimilé à un objet ou une marchandise qui peut être vendue (même
aux enchères) ou transmise par héritage.
Si
le démarrage de la traite française fut tardif (Bordeaux en 1672,
Nantes et Saint-Malo en 1688), il fut progressif. Sous la Régence, le
Duc d’Orléans (par les Lettres Patentes de 1716 et 1727) permet aux
principaux ports français «de faire librement le commerce des nègres».
Au
total, 17 ports français participèrent à plus de 3300 expéditions négrières
et Nantes, avec 42% de la traite, fut le principal port négrier français,
mais d'autres ports participent à l’armement de navires négriers :
La Rochelle, Le Havre, Bordeaux, Saint-Malo, Lorient, Honfleur et même
Marseille.
Les
armateurs négriers français
Au
XVIIIe siècle, en France, l'armement négrier est concentrée
entre les mains de 500 familles qui armeront, à Nantes, Bordeaux, La
Rochelle, Le Havre et Saint-Malo, quelques 2800 navires pour l'Afrique
(une vingtaine seulement de ces familles auraient armé le quart des
navires).
Cette
aristocratie négrière occupe les places les plus importante dans les
sociétés portuaires, et, formant des lobby, ces notables infiltrent
aussi les sphères du pouvoir où leur influence leur ouvre les portes.
Sous la Restauration, la plupart des maires de ces villes portuaires
sont des négriers notoires (entre 1815 et 1830 presque tous les maires
de Nantes seront des négriers).
Mais
à cause du caractère risqué, financièrement, du trafic négrier, les
armateurs français ne se livraient pas uniquement à la traite et
avaient d'autres activités (assurance, pêche, négoce), certes moins
spéculatives.
Le
XVIII° siècle : l’apogée de la traite en France
Car
les profits sont énormes. Les navires négriers français se rendent
d'abord en Afrique pour y charger leur cargaison de « bois
d'ébène », nom inspiré par la couleur des esclaves d'Afrique,
qu'ils échangent contre la cargaison
de traite : un ensemble de marchandise servant à acheter les
esclaves (alcool et tabac, poudre et armes à feu, camelote et
pacotilles, étoffes et habits).
Sur
place, pour entasser le
plus grand nombre d'esclaves dans la cale, il faut construire un
entrepont qui servait de « parcs à esclaves », rajouter des
gaillards, et, pour augmenter la surface disponible, installer des
plates formes (faux pont) sur les côtés. Les
navires font ensuite route vers les Antilles pour y revendre leur
marchandise humaine.
Au
retour, le commerce avec les Antilles permet de réexporter les
marchandises issues des îles (sucre, café, cacao, tabac) et
d’alimenter l’Europe via ses grands ports (Amsterdam, Rotterdam
Hambourg, Londres). Au XVIIIe siècle, le commerce français est
florissant grâce à l’essor de ses colonies et de la traite. On
estime qu’entre 1676 et 1800 la France aurait déporté aux seules
Antilles un million d’esclaves.
.
|
L’abrogation
de l’esclavage : un pas en avant, un pas en arrière
Dans
l'Europe des Lumières, l'esclavage et la traite sont de plus en plus
critiqués par les philosophes, comme Montesquieu, dans De l'esprit des
lois (1748) qui se fait sarcastique vis-à-vis de « ceux
qui se disent chrétiens et qui pratiquent l’esclavage » ou
encore Voltaire dans Candide (1759) qui dénonce les conditions de vie
des esclaves et les mutilations barbares. Mais d’autres encyclopédistes
investiront leur fortune dans le commerce triangulaire. En
1788 se crée à Paris la Société des Amis des Noirs et
il faut rendre hommage à l’abbé Grégoire qui, sous la Révolution,
viendra la rejoindre et publiera sa « Lettre aux philanthropes »
en
1790. L’objectif de la Société des Amis des Noirs est
l'abolition de la traite et de l'esclavage et ses arguments visent à démontrer
l'absence de rentabilité de l'économie de l'esclavage.
L'esclavage
sera aboli par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, mais sans conséquences aux Antilles. Malgré l’abbé Grégoire
qui ne ménage personne (« Parce qu'il vous faut du sucre, du café, du taffia (rhum),
indignes mortels, mangez plutôt de l'herbe et soyez justes»), en
1791 l'Assemblée
constituante confirme l'esclavage dans les colonies et en 1793 la
Convention refuse d'abolir l'esclavage. Mais l’action de la Société
des Amis des Noirs permettra à la
Convention d’abolir
l'esclavage dans les colonies le 4 février 1794. En réalité la
Convention décrète que l'abolition de l'esclavage sera limitée à la
Guadeloupe et ne concernera ni l'île de la Réunion ni l'île Maurice,
peu peuplées (ni la Martinique puisqu’ occupée par les
Britanniques).
En
mars 1802 l’Angleterre rend à la France la Martinique et Sainte-Lucie
qui n’ont pas bénéficié de la loi sur l'abolition de l’esclavage.
Napoléon, qui n’est encore que Bonaparte, poussé par son épouse Joséphine,
d'origine martiniquaise et dont la famille et les amis avaient de
nombreux intérêts en Martinique, rétablit l'esclavage et la traite en
mai 1802 « conformément aux lois et règlements en vigueur avant
1789 » et envoie des forces expéditionnaires à Saint-Domingue et
en Guadeloupe pour mater les rebellions. Avec beaucoup de brutalité
l’ordre est rétabli, ainsi que l'esclavage et l'ancien Code noir de
Louis XIV. Mais les révoltés de Saint-Domingue sont victorieux et
proclament l’indépendance, en janvier 1804, de la première République
noire qui prend le nom d’Haïti. Lorsque
Bonaparte rétablit l'esclavage, le commerce négrier bordelais est à
son apogée et dépasse même celui de Nantes. En mars 1815, lors
des Cent jours
après son retour de l'île d’Elbe, Napoléon aligne la France
sur la décision du Congrès de Vienne en décrétant l'abolition de la
traite négrière.
Pourtant,
en juin 1820, Joseph-Elzéar Morenas remet à la Chambre des députés
une pétition contre la traite des noirs qui se fait encore au Sénégal
et en 1822 l'abbé Grégoire publie Des peines infamantes à infliger
aux négriers. Mais
jusqu’à
la fin de la Restauration, les nouvelles dispositions ne seront
pas appliquées, jusqu’à ce que les Journées révolutionnaires (22
au 24 février 1848) aboutissent à l’abdication du roi Louis-Philippe
et à la formation du Gouvernement provisoire de la République qui
proclame le principe selon lequel « Nulle terre française
ne peut plus porter d'esclaves » et nomme (mars 1848) Victor Schœlcher
« sous-secrétaire d'État chargé spécialement des colonies et
des mesures relatives à l'abolition de l'esclavage »
(celui-ci, lors d’un séjour au Sénégal visitera les lieux de la
traite sur l’île de Gorée).
Finalement,
le 27 avril 1848, un décret du Gouvernement provisoire abolit
l'esclavage dans toutes les colonies françaises (en Martinique le 23
mai, en Guadeloupe le 27 mai, en Guyane le 10 août et à la Réunion le
20 décembre). L'abolition de l'esclavage sera inscrite dans la
Constitution (art. 6) le 4 novembre 1848 et en 1849 le dernier navire
français participe à une expédition négrière. Un
commerce négrier, illégal, continue quelque temps mais il se
transforme en commerce d'engagés, indiens ou chinois (les coolies).
Pour
finir, le 10 mai 2001, le Sénat adopte la loi
reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité
et, le 30 janvier 2006, la date du 10 mai est retenue pour la
commémoration en France métropolitaine de l’abolition de
l’esclavage.
|